A trop vouloir trouver au SaaS des qualités, on va un peu vite en besogne en annonçant la baisse des prix. On constate plutôt une hausse des prix pour les utilisateurs et une baisse des marges pour les éditeurs. Ne serait-ce que parce que les modèles tarifaires appliqués au SaaS s’apparentent à des modèles locatifs. Ceux-ci sont toujours plus chers sur le long terme et, de surcroit, la durée de détention d’un logiciel tend à augmenter. Ce dernier point est particulièrement vrai pour les logiciels applicatifs et est exacerbé par les modèles locatifs qui incluent les mises à jour. Alors pourquoi éditeurs et utilisateurs veulent-ils du SaaS?

[Des prix plus équitables]

Si le locatif est toujours plus cher, les modèles à la consommation, opposables ici à la licence ou à une redevance  forfaitaire, permettent, pour peu que l’unité d’œuvre soit bien choisie, de ne facturer que la consommation à l’utilisateur. La première conséquence est que cela réduit la péréquation faite dans les modèles tarifaires forfaitaires. Chacun paye pour sa consommation, ceux qui utilisent peu le logiciel ne subventionnent plus les gros consommateurs. Si donc globalement les prix augmentent, le prix est mieux accepté parce que plus équitable .

[Des prix qui sanctionnent une hausse paradoxale de la valeur ajoutée à l’utilisateur]

D’autre part l’architecture SaaS donne plus de souplesse dans la personnalisation du logiciel et donc dans la modularité des tarifs. Cela permet de présenter des marches d’entrée basse jusqu’au freemium, ce qui constitue une baisse apparente du prix voir une baisse réelle pour de faibles consommateurs.

Enfin, quand même le coût de possession ne baisserait pas, on aboutit in fine à une meilleure adéquation à chaque besoin, soit à une simplification du logiciel. La tendance est donc plutôt à la simplification des logiciels SaaS et à une augmentation des prix, ce qui constitue une situation est paradoxale: on réduit le fonctionnel livré et on facture plus cher, on crée en quelque sorte de la valeur ajoutée par soustraction de fonctionnalités. Ce paradoxe n’est pas si aberrant que cela. La complexité logiciel (trop de fonctionnalités non utilisées, apanage des produits « on premise » ) étant source de coût, en simplifiant on crée de la valeur et celle-ci peut légitimement se traduire dans le prix. Et la hausse des prix se justifie également par une nouvelle valeur ajoutée, l’administration du logiciel et de façon générale externalisation de la fonction DSI, disponibilité 24×7, autant de charges nouvelles pour l’éditeur.

(L’effet ne sera pas homogène selon les entreprises (taille), possible baisse pour la TPE et hausse pour la PME et GE. En revanche la TPE va étendre son équipement informatique et donc plus dépenser de toute façon. Cela peut se comprendre assez facilement. Le prix licence présente en général moins de palier de prix qu’un tarif utilisé pour le SaaS. Il faut donc un prix moyen qui a vite fait d’être trop élevé pour les TPE ou les faibles utilisateurs. Ainsi un prix de quelque centaines d’euros trop élevés peut fermer un marché de 100 de milliers d’entreprises).

[La baisse des marges est-elle un vrai handicap?]

Côté éditeur la réalité est aussi plus heureuse que la seule baisse des marges qui découle de la prise en charge de la production et de l’administration du logiciel. Si on rappelle l’enjeu d’établir un prix pour un bien industriel immatériel (quasiment que des coûts fixes, en conséquence le prix se calcule selon l’espérance des volumes de vente, entre d’autres termes de la population du segment de marché visé, le coût de production SaaS restant encore relativement faible et proche des charges fixes), il devient plus facile de vendre une offre variée issue d’un même développement à un marché plus large avec une grande souplesse dans les prix. Mais l’exercice tarifaire a ses limites: pour rester simple  dans les règles d’établissement des prix et compréhensible de sa cible, on risque de recréer une péréquation. La spécification tarifaire devient donc une question d’expertise chez les éditeurs.

[Les âges du métier d’éditeur]

On entre ainsi dans un nouvel âge de l’édition du logiciel. Après avoir connu l’âge de l’art de faire un produit standard et non autant de solutions spécifiques que d’utilisateurs, on a connu celui du service  accompagnant le logiciel, notamment le support téléphonique qui, chez certains éditeurs et selon les populations adressées,  peut représenter des équipes presque aussi importantes que les équipes R&D. On a également connu l’âge du canal de vente qui revient sur le devant de la scène avec le parcours client en ligne. Aujourd’hui nous entrons dans l’âge de la spécification tarifaire. S’il était encore nécessaire de le dire, le métier d’éditeur évolue et les éditeurs qui survivront à la rupture technologique du SaaS, le feront en partie grâce à une maîtrise des modèles tarifaires.

 

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