1054 voit la séparation des églises Orthodoxes et Catholiques. Aujourd’hui certains pensent encore qu’une société de service et qu’un éditeur de logiciel font à peu près le même métier. A ces personnes il faudrait demander pourquoi le résultat d’exploitation d’un éditeur est en moyenne de 4 à 8 fois supérieur à celui d’une société de service.

Le métier d’éditeur est né avec le progiciel dans les années 1980. La plupart des grands acteurs actuels sont apparus à ce moment là, beaucoup sont issus de solutions spécifiques pour un client devenues un standard de fait.  Ainsi issue du monde du service informatique (SSII ou ESN), l’édition du logiciel peut-être considérée comme une première scission de l’arbre généalogique, un premier schisme dans la religion du numérique. Aujourd’hui cependant, on naît éditeur, on ne le devient plus. Et pendant ce temps d’autres réformes se profilent, le métier d’éditeur évolue, notamment avec le développement des applications en ligne (SaaS, Cloud).

[Essai de segmentation à partir du métier « Conseil en Technologie » –  produit standard et de risque industriel]

Parmi les acteurs du numérique se trouve le Conseil en technologie. C’est le fait de sociétés œuvrant le plus souvent dans une filière métier (aéronautique, automobile …), mêlant le numérique à d’autres technologies ou l’utilisant comme organe de commande ou d’asservissement. Chez ces acteurs on parle souvent de logiciel embarqué. Toutefois il semble qu’il y ait deux types d’acteurs dans l’embarqué,  d’une part les éditeurs de logiciels pour les matériels mobiles (téléphone, tablette ….) et d’autre part les sociétés de Conseil en Technologie développant à la demande pour des filières industrielles. Pour les premiers le logiciel est visible et identifié par l’utilisateur, il sert à plusieurs clients différents, pour les seconds il est plus souvent intégré dans le produit final et le seul client est le donneur d’ordre. D’un côté, un produit qu’il faut imaginer et développer, dont il faut financer le développement puis qu’il faut vendre, de l’autre, un donneur d’ordre avec son cahier des charges et une commande. D’un côté la démarche industrielle (le produit standard, le canal de vente, le risque industriel et financier), de l’autre la problématique de toute société de service, une sous-traitance et la mobilisation des ressources compétentes. Par cet exemple, on identifie des critères discriminants du métier d’éditeur: le risque industriel et l’élaboration d’un standard.

[Le métier d’industriel du numérique – critères discriminants]

L’art de l’industrie est de trouver le produit qui satisfait le plus grand nombre, la recherche d’un standard, ne serait-ce que pour faire des économies d’échelle. A l’opposé de la solution spécifique où il s’agit de coller à 100% au besoin, le standard doit couvrir un minimum des besoins (80%) pour un maximum d’utilisateur (60-80% d’un segment de marché). Pour cela l’industriel a recours à une fonction clef, le marketing produit: spécifier un produit; mettre en place les canaux de vente (vente directe, indirecte, prescription, influence) et le modèle tarifaire (achat, locatif, forfait, consommation).

L’après vente va également jouer un rôle particulier chez l’éditeur, accentué par le mode locatif qui se développe aujourd’hui. Ce rôle est bien rendu par le paradoxe de l’édition où le service (support technique) peut y comptabiliser une population plus importante que la R&D, spécialement chez les éditeurs qui couvrent des marchés larges comme le grand public ou la petite entreprise. L’après vente a recours à un ensemble de services qui rapprochent l’éditeur des sociétés de service, à la différence majeure toutefois que l’éditeur va appliquer à ces services son savoir faire industriel, façonnant le service comme un produit et conserver ainsi ses économies d’échelle.

Si tout cela est bien mené, il se construit dans le temps un écosystème avec des modèles récurrents, des canaux de vente qui tirent l’activité, voir tout simplement des situations de rente.

[Prochaines réformes à partir du métier d’opérateur – nouvelles expertises]

Avec l’arrivée des ressources applicatives en ligne (IAAS, PAAS, SAAS et également le BPO), un nouveau métier se crée, dérivé de l’édition, avec des entrants tels que des éditeurs ou des opérateurs télécom. Accessibles à un grand nombre d’utilisateurs, même si celles-ci empruntent beaucoup au logiciel, ces ressources applicatives s’apparentent à un service en ligne industrialisé. On retrouve les aspects prix, segmentation et périmètre fonctionnel d’un produit appliqué à ce service. La nouveauté du métier vis à vis de l’édition tradition se trouve accessoirement dans le développement de la fonction production (plateforme d’hébergement) et essentiellement dans le déplacement de la responsabilité, d’obligation de moyen de l’éditeur traditionnel à celle de résultat de l’opérateur, empruntant ici un des aspect des sociétés de services.

On va retrouver dans cette catégorie de nouveaux acteurs qu’on appellera opérateurs, des fonctions traditionnelles d’éditeur (logique et expertise métier, vente et administration de la vente,  assistance, animation base installée) et de nouvelles fonctions ou des fonctions sensiblement modifiées (production, auto-administration  -ou selfcare, canal web de vente). Ces nouvelles fonctions élevées au rang d’expertises pourraient redistribuer les cartes du marché, générer une nouvelle stratification des acteurs.

Ironie du sort, l’impact sur la commercialisation des solutions en ligne qu’on croyait ne menacer que les revendeurs et intégrateurs (VAR), pourrait se retourner contre les éditeurs qui n’y  voyaient qu’une désintermédiation. D’un côté les fournisseurs de plateformes (IaaS, PaaS) et de l’autre la renaissance des places de marché (les portails intégrant plusieurs applications en ligne et le canal de vente) pourraient prendre en étaux les éditeurs, en particulier ceux dont la valeur ajoutée a été principalement l’animation d’un écosystème. Si la vente en ligne devient une expertise, cela peut en effet constituer un métier spécifique qui au final va capter et canaliser la valeur vers le client. Ce qui est arrivé dans les industries agroalimentaires, textiles où la distribution a pris le pouvoir va-t-il arriver dans l’industrie du numérique? A la façon d’un Décathlon qui s’octroie la définition de l’offre, des exigences de qualité, de coût et la politique tarifaire.

[Et les autres encore inclassables]

Il n’y aura probablement pas que les opérateurs (SaaS, BPO) pour contribuer aux changements de l’industrie du numérique.  L’activité « actualité » d’un Google ou d’un bing n’est-elle pas du faux journalisme, seulement un logiciel en ligne?  Quid de Facebook, LinkedIn ou Viadeo, Twitter qui offrent de plus en plus de services industrialisés? Dans la chaîne qui va des utilisateurs du numérique aux traditionnels industriels, il y a suffisamment de monde pour s’approprier une strate de la chaîne de valeur et venir s’interposer entre l’éditeur et le client en assurant les fonction de vente et l’auto-administration (selfcare).

D’autres changements sont devant nous. Et même si on ne sait pas décrire la future redistribution des cartes, il nous reste cependant les critères discriminants de l’industrie du numérique: risque industriel, élaboration d’un standard, responsabilité du résultat, contrôle du canal de vente et de l’accès client.

 

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